mercredi 30 juillet 2008

(7)

Où Fée comprendra que la nostalgie est l'une des raison d'être de l'Homme de Néant-Dertal, qu'elle le suit partout où il va, un peu comme l'objet qui termine ce billet.

Les lumières tamisées de la micro-brasserie donnent un look brunâtre à la place et il me faut pratiquement forcer les yeux pour voir les tâches de rousseur sur le bout du nez de Caroline. Mon deuxième verre dans le nez commence à me faire tourner la tête, je ne tiens vraiment plus l'alcool.

Daniel est assis à côté de moi, nous sommes là, dans un bar de notre ville natale, avec la fille qui, il n'y a pas si longtemps, il me semble, dessinait de la bitume avec des craies roses face à la maison de mes parents.

- Québec était pas vraiment mon genre de ville...

Je réponds comme j'aurais répondu au téléphone. 1 ou 0.

- Non ?

L'écoute active a toujours été mon fort. Je reformule. La fille se sent écoutée. Loi de la nature.

- Non. Bien, en fait, pas depuis que mon copain m'a laissé pour une fille avec qui on avait fait un trip à trois.

Caroline, malgré ses cheveux auburns et ses tâches de rousseurs, vient de perdre des points. Le libertinage me pue au nez. Je lui laisse quand même sa chance.

Elle est arrivée à l'appartement comme un coup de vent apportant son lot d'odeurs les plus suaves. Elle dégageaient une odeur soyeuse d'un parfum discret. L'impression que ça me laisse, depuis qu'elle est arrivée-revenue dans ma vie, c'est que je viens de sortir la tête de l'eau après une longue plongée en apnée et que j'essaie de respirer tout l'air du monde le plus vivement possible.

Mes poumons ne sont pas assez grands pour humer toutes ces odeurs qui aguichent mes narines.

Daniel est comme un chien fidèle. Il voit mon intérêt, peut-être juvénile, pour Caroline et ne s'immisce pas trop dans la discussion. De bonne blagues sortent de sa bouche pour décontracter l'atmosphère, mais il écoute plus qu'il n'émet.

- En fait, je reviens ici pas mal définitivement.

Je la regarde en hochant de la tête. J'essaie de mimer ses mouvements de mon mieux, il y a comme un climat qui se crée autour de nous. Il faut que je me concentre pour ne pas oublier Daniel, qui est à deux pas de moi.

Caroline a les yeux verts, ils scintillent sous les lustres tamisés de la place. C'est fou comme un être vivant change, avec les années. Il y a un peu moins de 8 ans, je n'osais même pas la regarder. Le Reader Digest ne parlait pas de ça, dans son article.

Nous avons un plaisir fou, tous les trois, à se rappeler les bons (donc mauvais) coups de notre enfance dorée. Quand Daniel et moi faisons un peu d'efforts, on arrive à arracher des éclats de rire à cette femme que nous réalisons connaître à peine. Elle nous montre alors des dents de perle, à la limite de la perfection.

Je suis bien. J'ai du plaisir et je vibre. J'enlève ma mains de l'avant-bras velouté de mon interlocutrice.

Je vibre toujours.

J'introduis ma main dans la poche arrière de ma paire de jeans. Je prends le télé-avertisseur qui s'y cache. Maintenant, c'est ma main qui vibre.

Je regarde encore une fois les yeux de jade de Caroline. Je ferme les miens en maudissant le téléphone rouge qui me suit partout.

La police m'appelle.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Là, il y a suspense et suspense... C'est long! ;-)