lundi 30 juin 2008

La rue Longseault



Quand j'étais gosse, je croyais qu'avec cent balles, je pouvais acheter tous les bonbons du dépanneur de la rue Longseault. En fait, me rendre au dépanneur, ça devait bien me prendre une après-midi entière.

C'était l'impression que ça me laissait. Le dépanneur de la rue Longseault, c'était le genre d'endroit miteux situé sous une maison. Je stationnais mon vélo devant la vitre, parce que je voulais pas me le faire voler. Quand j'y allais avec Daniel, un de nous deux restait à l'extérieur surveiller les bicyclettes : c'était la vigie.

Sur la rue Longseault se trouvait l'école maternelle Général Vanier. Le jour, c'était notre école. Le soir, quand on avait l'énergie pour faire tout ce long trajet, c'était notre terrain de jeux. On avait trouvé tout un stratagème, Daniel et moi, pour pas que nos vieux s'inquiètent. Daniel disait aux siens qu'il était chez moi, je disais aux miens que j'étais chez Daniel. Ce qu'on savait pas, c'est que les parents se parlaient mutuellement... et savaient exactement où nous étions.

En forçant la clôture, on réussissait à passer nos vélos à l'intérieur du terrain de jeux de l'école maternelle. On se glissait, on jouait dans le sable, on s'amusait avec pratiquement rien.

En revenant, il fallait monter la côte de la rue Longseault. C'était le mont Everest. Ça nous prenait tout un swing pour la monter, on était à bout de souffle.

Quinze ans plus tard, le mont Everest n'est plus qu'une petite bute. Le sous-sol s'est transformé en un relais Pétro-Canada éclairé aux néons, avec des muffins chimiques et des hot-dogs réchauffés au micro-onde.

Quinze ans plus tard, l'école maternelle Général Vanier est fermée. On la revitalise en foyer pour personnes âgées.

Quinze ans plus tard, on fait pas grand chose avec cent balles. Et ça prend ben plus qu'un carré de sable pour s'amuser.

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